Sommaire

De la découverte du monde ouvrier, à l'adhésion au mouvement ouvrier
Rapports entre ouvriers et intellectuels

par Roger Hagnauer (n° 47 d'Education et Socialisme, Bruxelles, janvier-février 1954)

Le Monde Libertaire La Révolution Prolétarienne

Il nous a été donné, il y a peu, de prendre connaissance du compte-rendu des journées d'études des « Amis de la Liberté », en France.
A la lecture, il nous est apparu qu'il serait intéressant de solliciter la collaboration, pour notre revue, de plusieurs camarades français qui y participèrent.
Parmi eux, notre ami Roger Hagnauer a répondu le premier à notre appel. Nous lui en sommes très reconnaissants.
Ce camarade est un ardent syndicaliste, militant actif de la C. G. T.- Force Ouvrière. Il est également un éducateur de grande valeur.
Les pages ci-dessous seront lues avec fruit par chacun. Elles procureront des sources d'information et de réflexion du plus haut intérêt.
Chacun d'entre nous saura gré à l'auteur de nous avoir procuré cette satisfaction.

LA REDACTION.

L'objet de cette étude : Rapports entre intellectuels et ouvriers, nous fut fixé lors des « journées » tenues à Paris, les 9, 10, 11, 12 avril 1953, par Les Amis de la Liberté [1] et consacrées aux doctrines sociales et à la condition ouvrière. Le débat ne s'engageait pas, en guise d'ouverture ou de hors-d'œuvre. Il se situait à la « mi-temps ». On avait déjà discuté de la « découverte du monde ouvrier » par les intellectuels. On avait entendu des militants d'hier et d'aujourd'hui exposer les expériences françaises vécues, on devait entendre les témoignages de syndicalistes allemand, tchèque, américain, avant de conclure par un examen des « problèmes actuels ».

Ces précisions éclairent nos intentions. Quoique nous n'entendions pas nous limiter strictement au texte de notre intervention devant les « Amis de la Liberté », nous ne pourrons dissimuler le caractère « circonstanciel » d'une étude qui n'est qu'un des éléments d'une synthèse. On regrettera également, malgré nos quelques allusions à des exemples étrangers, l'origine trop « nationale » de nos références. Nos amis belges s'étonneront peut-être de l'absence de toute incursion dans leur propre histoire sociale. Et cependant nous admirons leurs réalisations d'hier et d'aujourd’hui, nous avons souvent évoqué la haute figure d'Emile Verhaeren - le poète des hallucinations, des vertiges et des volontés du monde moderne, portant dans les « Maisons du Peuple » des cités ouvrières, sa foi socialiste et son lyrisme passionné.

PERMANENCE DE LA CLASSE OUVRIERE

Si l'on veut étudier l'évolution des rapports entre ouvriers et intellectuels, depuis que la révolution industrielle du XIXe siècle a provoqué la naissance du mouvement ouvrier, une définition des deux termes s'impose préalablement. Des mots invariables ne fixent pas des choses d'autant plus mouvantes que l'évolution des techniques, des sciences et des institutions ne laissent qu'un contenu purement verbal aux idées générales et aux formules abstraites.

Au reste, les rapports que nous examinons entre ouvriers et intellectuels relèvent plus de la « conscience collective » que des situations individuelles et sociales. Il ne suffit pas de formuler une définition générale de l'ouvrier et de l'intellectuel, il convient surtout de rechercher la réalité d'une conscience collective unissant les ouvriers ou les intellectuels. C'est à dire de répondre à ces deux questions fondamentales : existe t-il une classe ouvrière et une classe intellectuelle ?

Les militants qui nous lisent éprouveront quelque surprise à ces interrogations portant sur ce qui leur semble : vérités acquises et évidences indiscutables. Cependant, la masse salariée appelée dans nos organisations syndicales en 1953, n'est elle pas totalement différente des groupes de compagnons du début du XIXe siècle, des travailleurs qualifiés qui formèrent les premiers syndicats de métiers. Le poids dans nos centrales françaises des agents des Services publics, des titulaires de fonctions administratives et commerciales n'est-il pas nettement supérieur à celui des travailleurs manuels dont la grande majorité ne possède plus de qualification professionnelle ?

« Il n'y a pas d'ouvriers, disait le représentant d'une Fédération syndicale, il y a des menuisiers, des charpentiers, des métallurgistes, des cheminots, des employés des Transports, etc. .... » Observation singulièrement grave, qui aboutirait à briser toute solidarité ouvrière. Mais cette classification des métiers ne représenterait elle-même qu'une étape vite dépassée, par la vitesse des progrès techniques. Des métiers disparaissent tandis que se développent des fonctions nouvelles. Non seulement la masse des manœuvres spécialisés se tient hors des qualifications professionnelles, mais les spécialisations changent avec la transformation des machines et de l'outillage.

Ce qui demeure, c'est le sentiment spontané d'opposition de ceux qui exécutent à ceux qui possèdent ou qui dirigent, c'est la conscience de n'être que des « salariés », des hommes qui subissent le régime de l'entreprise, du bureau, de l'administration.

Que l'ouvrier reste essentiellement le travailleur manuel de l'industrie, c'est 1à une constatation qui persiste malgré tous les changements de structure. Et nous aboutissons à une définition aussi générale que possible des syndiqués de nos centrales actuelles, en donnant au mot « ouvrier » le sens d'exécutant dans les industries, les commerces, les services publics et les administrations.

Les permutations sociales qui se produisent n'affectent qu'une minorité relativement légère et on ne peut douter de la permanence d'une classe subissant la condition ouvrière.

Mais le fait économique et social ne suffit pas pour caractériser la classe sociale. Celle-ci implique une constante communauté d'intérêts, une certaine stabilisation héréditaire, des coutumes et des traditions originales, une prise de conscience de son indépendance et la création d'institutions autonomes.

Toutes ces conditions suffisent en 1953, comme en 1850 et en 1900, pour établir l'existence d’une classe ouvrière et par voie de conséquence d'un mouvement spécifiquement ouvrier.

REALITE OU POSSIBILITE D'UNE CLASSE D'INTELLECTUELS

Il paraît plus simple de définir l'intellectuel, selon le dictionnaire: « celui qui par goût ou par profession se consacre à des activités intellectuelles » - de le qualifier par opposition au travailleur manuel, au commerçant et à l'industriel - de le caractériser selon sa fonction : membre de l'Enseignement, avocat, médecin, ingénieur, technicien, écrivain, artiste, etc.…

Est-ce suffisant ? On a proposé d'autres définitions qui comportent un jugement de valeur. L'intellectuel, quelle que soit sa profession, serait l'homme capable de « découvrir les rapports entre les phénomènes ». Mais peut-on « lier » ce que l'on ne connaît pas, par contact direct ? N'est-ce pas en agissant sur la matière qu'on la pénètre et que l'on peut la comprendre. Si l'action seule détermine la science et l'intelligence, si H. Bergson a eu raison de proclamer que « l'homme fut ouvrier avant d'être savant », il ne manquerait au travailleur manuel pour devenir le véritable intellectuel que le loisir de la réflexion sur son propre effort.

Un de nos amis, le professeur Pascal, de l'Ecole Normale de Grenoble, juge que l'intellectuel est « un homme dont les idées se forment en dehors de tout contact véritable avec l'expérience, qui ne découvre la réalité concrète qu'à travers les doctrines abstraites. Il n'a donc pas une connaissance réelle des choses. »

Cette discussion ne nous entraîne pas hors du sujet. Mais elle éclaire plutôt les voies de l'intelligence que les rencontres entre deux groupes sociaux dont l'histoire a fixé les contours et les tendances. C'est peut-être d'ailleurs l'existence d'une classe ouvrière, l'acuité des problèmes sociaux en notre « ère industrielle » qui ont favorisé le succès du mot « intellectuel » dont la circulation et la vulgarisation datent des premières tentatives de propagande révolutionnaire au sein des peuples comme le peuple russe - qu'un régime anachronique privait des libertés fondamentales.

La question posée sur la réalité d'une classe d'intellectuels n'appellerait qu'une réponse nettement négative, si l'on s'en tenait aux schémas marxistes - la lutte de la bourgeoisie capitaliste et du prolétariat impliquant la disparition des classes moyennes auxquelles les intellectuels appartiennent, soit par leur prolétarisation, soit par leur incorporation dans les troupes mercenaires du capitalisme. Que cette prévision se vérifie en fin de compte, on peut fort bien l'admettre. Mais le monde ne se transforme pas par un processus mécanique au rythme uniformément accéléré.

Il est des phénomènes de stabilisation et de régression dont l'ampleur et la durée contredisent les lois historiques et obscurcissent la conscience ouvrière. Le « national socialisme » totalitaire, qu'il soit hitlérien ou stalinien, ne s'explique pas sans l'intervention d'une « troisième classe » dont les privilèges ne dépendent pas de l'exploitation capitaliste classique, dont l'omnipotence n'est nullement fonction de la force ouvrière et des aspirations socialistes.

Or, on a voulu établir une filiation directe entre la vieille « intelligentsia » russe et cette classe nouvelle plus oppressive que la bourgeoisie capitaliste et les vieilles féodalités.

Ces intellectuels « révolutionnaires » qui constituaient les cadres des successives oppositions au tzarisme - des Décabristes aux sociaux-démocrates et aux socialistes révolutionnaires, en passant par les libéraux, les nihilistes et les terroristes - se sont retrouvés dans les noyaux de « révolutionnaires professionnels » que Lénine mena à l’assaut du pouvoir en 1917.

Sans doute, furent-ils presque tous exterminés par le stalinisme triomphant. Mais c'était bien de la même classe sociale qu'étaient issus les Jacobins de 1793 et les fonctionnaires et maréchaux du Premier Empire. Toute aristocratie débute par l'épopée et se prolonge par l'arbitraire et le privilège exorbitant.

Que le passé de cette intelligentsia soit héroïque, admirable, tragique, qu'elle se soit enrichie d'éléments ouvriers corrompus par le Pouvoir, il n'en reste pas moins qu'après avoir « pensé » la Révolution pour le prolétariat et par le prolétariat, elle s'est installée au Pouvoir Iaissé vacant par la décomposition du tzarisme, l'absence d'une bourgeoisie économiquement et politiquement capable, le manque de maturité d'une classe ouvrière dont la spontanéité n'était pas disciplinée par l'expérience.

Au lendemain de la mort de Staline, Robert Lauzon [*] - dans la Révolution Prolétarienne [2] d’avril 1953 - précisait en termes simples la composition de cette nouvelle classe : « Tous ceux qui ne travaillent pas de leurs mains ou de leurs corps, le contremaître et l'ingénieur, ceux qui préparent, dirigent, organisent, commandent ou contrôlent, directement ou indirectement le travail des autres, le contremaître et l'ingénieur, le policier et l'officier, le professeur et le propagandiste; le bureaucrate et le fonctionnaire.... »

On nous objectera qu'il y a loin des intellectuels révolutionnaires, - libres d'esprit, généreux, n'acceptant la discipline que dans l'abnégation et le sacrifice - aux « profiteurs de la Révolution », soumis à un monstrueux autocrate, que leur servilité ne préservait, pas des purges périodiques.

On nous objectera encore qu'il serait abusif, en nos pays occidentaux, de joindre aux agents du Pouvoir politique, les techniciens et les enseignants dont les intérêts s'opposent souvent à ceux de da bureaucratie d'Etat, dont les revendications s'insèrent fréquemment dans les programmes ouvriers. Et l'on notera que les fonctionnaires forment habituellement l'aile marchante de la Démocratie.

Objections dont il est facile de réduire la valeur, sans l'annuler. La dégénérescence de l'intelligentsia russe s'explique justement par le fait que ses privilèges n'ont aucune base économique qu'ils sont fonction d'un totalitarisme, dont l’obéissance passive garantit la survie, car toute discussion contradictoire et publique saperait les bases du régime. On oublie volontiers que dans aucun pays capitaliste, l'échelle des salaires et traitements n'atteignent une hauteur comparable à celle appliquée en U. R. S, S. - qu'aucun État n'accorde à ses techniciens, hauts fonctionnaires et professeurs de l'Enseignement supérieur, des avantages en nature du même ordre de grandeur que l'État moscovite.

Il n'est pas question, d'autre part, de transposer l'expérience soviétique dans nos pays occidentaux, où les intellectuels n'ont joué qu'un rôle subalterne dans les luttes économiques et politiques, où la bourgeoisie a conquis le Pouvoir par une évolution, relativement longue, où la classe ouvrière a profité de la démocratie pour s'organiser librement.

Le phénomène ne semble possible que là où l'on a brûlé des étapes, où l'on est passé brutalement de Ia période pré-capitaliste à l'industrialisation étatique et autoritaire - là aussi où il n'existe guère de pensée et de langage communs à l'élite cultivée et à la masse populaire misérable. Le plus inculte des paysans français est « cartésien » sans, connaître Descartes. L'intellectuel beIge, anglais ou français peut se faire entendre - s'il le désire - des plus humbles des travaIlleurs manuels. C'est déjà moins assuré en Allemagne, où pourtant on ne rencontre guère d'illettrés. C'est certainement vrai aux Etats-Unis, quoique le « non-conformisme » de nombreux intellectuels heurte les sentiments de l'Américain moyen.

Mais si la transformation d'une « intelligentsia » en caste privilégiée ne paraît guère probable dans nos pays, il n'est pas exclu qu'une « classe intellectuelle » puisse exister, avec une autonomie suffisante pour se séparer des deux autres classes antagonistes.

L'ORIGINE DES INTELLECTUELS

L'existence d'une classe d'intellectuels, et les rapports entre les intellectuels et les ouvriers dépendent sans doute de facteurs historiques - que nous examinerons - mais la situation actuelle s'éclaire plus exactement par des observations sur les jeunes, qui « se composent moins facilement un visage » que leurs aînés.

L'origine sociale des étudiants français ne détermine pas leurs tendances ; il n'y a pas obligatoirement coïncidence entre l'héritage moral des parents et l'engagement des enfants. La volonté « d'évasion » du milieu familial, la rebellion même contre la famille aboutissent parfois à des adhésions contraires aux prévisions. - Le fils du petit paysan recherchera la sécurité dans les positions réactionnaires, tandis que le flls du grand bourgeois se plaira - au moins pour un temps - aux paradoxes révolutionnaires.

Mais « l'intelligentsia » en Russie recrutait surtout des déclassés par nécessité ou par vocation. Ses possibilités en France sont donc conditionnées par la solidité des liens qui unissent au départ les étudiants aux classes possédantes.

Le représentant des « Jeunes Amis de la Liberté » nous a fourni·les indications approximatives suivantes : « La masse estudiantine française, sur 160.000 membres environ, en compterait 15 à 20 % appartenant à la « bourgeoisie nantie », 40 % viennent de la moyenne bourgeoisie. Le reste viendrait essentiellement de la petite bourgeoisie plus ou, moins prolétarisée (des petits fonctionnaires et des intellectuels, principalement) et de la paysannerie, 5 % seulement serait d'origine ouvrière. »

Il existe sans doute des statistiques analogues en Belgique, en Allemagne, en Angleterre. Il est probable qu'en ces deux derniers pays, l'aristocratie occupe une place beaucoup plus large qu'en France dans le recrutement des Universités.

Il semble qu'aux Etats-Unis, la tendance « démocratique » soit, au contraire, beaucoup plus accusée, et que le formalisme et la hiérarchie intellectuelle soient moins respectés. Alors qu'en France, la grande majorité des écrivains jouissent d'une aisance confortable et d'une culture intellectuelle garantie par des diplômes universitaires, la littérature américaine compte parmi ses plus grands noms des « outlaws » et des autodidactes.

Walt Whitman fut charpentier, typographe, vagabond, instituteur, journaliste.
Sherwood Anderson: homme de peine, palefrenier, fabricant de peintures.
William Faulkner, pourtant fils de médecin, fut veilleur de nuit et fermier.
Carl Sanburg : briquetier, commissionnaire, portier, laveur de vaisselle, ouvrier agricole. [3]

Ces notations sur l'origine sociale des étudiants, sur les moyens d'existence des écrivains ne fournissent que des éléments pour l,es réponses aux questions posées. Mais elles, présentent l'avantage d'introduire des données concrètes dans une discussion où l'hypothèse, la spéculation et l'idéologie entraînent souvent d'aventureuses affirmations.

IMAGES LEGENDAIRES ET REALITES HISTORIQUES

L'histoire elle·même se dégage mal de la légende qui reste assez vivace dans les esprits pour obscurcir la réalité. Il est des traditions qui survivent en France et qui provoquent encore les élans romantiques des érudits et savants, rêvant de barricades dans le silence de leur bibliothèque, et la tiédeur de leurs pantoufles.

Vision de l'étudiant pauvre, inrmortalisé par le pinceau de Delacroix et la plume de Hugo dont là redingote flottait sur les pavés sanglants de 1830 et de 1832 aux côtés des blouses ouvrières.

Vision du savant tiré du laboratoire, soixante ans plus tard, par les vagues de l'Affaire Dreyfus [4], lorsque l'injustice haineuse de bureaux militaires levait dans tout le pays les croisés du Droit et de la Vérité. .

Vision de l'éminent professeur qui, en 1934 [5], jetait dans la houle des meetings populaires, l'affirmation sommaire d'un anti-fascisme sentimental et attendrissant.

Vision des « résistants » de l'Université qui rejoignirent souvent les humbles des maquis dans les combats clandestins ou la nuit tragique des camps de déportation.

On ne méprise pas cette iconographie héroïque. Même lorsqu'elle sert de talisman et de parure à la légion des combattants par « procuration », qui exaltent les prouesses des autres avec assez de conviction pour en partager la gloire. Même lorsqu'elle couvre l'aveuglement des naïfs, les sordides appétits des pilleurs d'épaves, les atrocités du fanatisme. Roger Martin du Gard dans « Jean Barrois » [6], opposait déjà la première phalange dreyfusiste à la foule dreyfusarde, se disputant les profits de la victoire démocratique. Il serait facile de décrire une curée analogue, lors du triomphe antifasciste de 1936, de la Libération de 1944. Ce qui nous paraît le plus grave, c'est que la noble candeur de grands intellectuels sert fréquemment de caution aux entreprises staliniennes ou post-staliniennes, et qu'elle se mue en prudente discrétion, lorsque l'on évoque le cas des millers de militants ouvriers frappés de l'autre côté du rideau de fer.

Mais c'est là une autre histoire. Ce qui nous intéresse ici particulièrement, c'est que ces manifestations - si généreuses qu'elles fussent - ne révélèrent aucun rapport direct avec le mouvement ouvrier. Il suffit pour le prouver de marquer quelques points de repère dans la chronologie française du XIXe et du XXe siècles.

Si l'on veut écarter certaines illustres exceptions, dont celle de Georges Sand (et peut-être de Victor Hugo lui-même) la tragédie ouvrière des débuts de l'ère industrielle n'apparaît guère dans les œuvres des maîtres littéraires de la première moitié du XIXe siècle, pas plus que la résistance spontanée des ouvriers là la Fatalité économique.

Que les effusions romantiques sur la misère populaire ne nous abusent pas ! Elles relèvent beaucoup plus du paternalisme chrétien que de l'esprit de revendication et de révolte. L'euphorie républicaine de février 1848 était déjà oubliée lors de la sombre insurrection exclusivement ouvrière et parisienne de juin 1848. En trois mois, la rupture était consommée entre la classe ouvrière et la bourgeoisie républicaine. Les poètes et les penseurs - Victor Hugo en convenait vingt-cinq ans plus tard - n'y comprirent absolument rien.

L'Affaire Dreyfus aboutit au gouvernement de la gauche, radicale-socialiste, appuyée par l'extrême-gauche socialiste tout au moins de la fraction dominée par Jaurès. La déception ouvrière qui suivit explique pour une bonne part le développement du syndicalisme révolutionnaire, avec la fondation de la C. G. T. - ce qui détermina la scission des gauches politiques. Le radical Clémenceau se présentant comme l'ennemi de la C. G. T., tandis que Jaurès reprenait sa place à la tête de l'opposition. Ils furent assez rares les intellectuels et les écrivains qui témoignèrent de l'importance du mouvement « confus comme la vie elle même, qui s'illuminait au feu de l'action. » [7]

La lutte antifasciste menée hardiment de 1934 à 1936 aboutit au succès électoral du Rassemblement populaire, à l'installation du gouvernement Blum. Mais les grandes réformes sociales furent imposées par le magnifique mouvement spontané des occupations d'usines de juin 1936 que nul n'avait prévu. Ce phénomène ne tient guère de place dans la littérature, pas plus que dans les travaux des historiens, des philosophes et des sociologues.

LITTERATURE SOCIALE

On nous reprochera non sans raison de confondre trop souvent deux ordres de faits différents : la condition ouvrière et le mouvement ouvrier. L'ignorance de la condition ouvrière n'a pas empêché quelques grands intellectuels de se lier au mouvement ouvrier et même de l'influencer. Les répugnances instinctives ou, conscientes qui éloignèrent certains écrivains du mouvement ouvrier ne leur ont pas interdit de décrire avec assez d'exactitude la condition ouvrière.

Il est certain pour ne citer que quelques noms illustres qu'Emile Zola dans « l'Assommoir », dans « Germinal », dans « Paris », dans « Travail », a consacré des fresques hautes en couleur à la misère ouvrière, à la révolte ouvrière, à l'organisation ouvrière, à l'association ouvrière. Dans un paragraphe de « Jean-Christophe », Romain Rolland saluait « l'élite au pessimisme enivré qui menait au combat les syndicats ouvriers ».

La littérature dite sociale avait conquis droit de cité avant 1914. Sans parler des écrivains paysans : Eugène le Roy avec son « Jacquou le Croquant », Emile Guillaumin avec sa « Vie d'un simple » - le noms de Charles-Louis Philippe [8], de Marguerite Audoux [9], de Léon et Maurice Bonneff [10], de Pierre Hamp [11] pour les premières années du XXe siècle, devraient être aussi connus des ouvriers et des intellectuels que ceux d'Agricol Perdiguier [12] et de Martin Nadand [13] qui, outre Ieur œuvre propre, inspirèrent les romans socialistes de George Sand.

L'entre-deux-guerres connut deux écoles qui, systématiquement, s'attachèrent à la découverte ou l'expression du monde ouvrier.

Mais la première, le « populisme », n'avait pas d'autre but que de trouver « dans le peuple, une matière romanesque très riche et à peu près neuve ». Ce fut un paysan belge, Francis André, qui protesta contre cette prétention avec le plus de pertinence : « Il ne s'agit pas de savoir si nous sommes une matière intéressante, un beau sujet, un filon littéraire. Parlez de nous ou n'en parlez pas : qu'est-ce que cela peut nous faire ? L'essentiel est de savoir s'il y a réellement parmi nous, parmi la race de ceux qui tiennent la charrue, qui manient la cognée, le pic, les manettes et les leviers, des pensées qui naissent et s'agglomèrent, des forces qui s'éveillent. »

L'autre école dite prolétarienne se constitua au départ, par réaction contre le populisme. Elle groupa autour de militants révolutionnaires comme Tristan Rémy [14] et nos amis Henri Poulaille [15] et Marcel Martinet [16] (mort en 1944) des écrivains, en majorité ouvriers, décidés à raconter la vie du prolétariat. L'association subit évidemment le contre-coup des luttes de tendances qui divisèrent l'avan-garde ouvrière et fut choisie comme cible par les partisans de Moscou, lorsque la réaction stalinienne eut écrasé toutes les oppositions.

La littérature étrangère contemporaine nous offre des exemples fameux de « témoignages populaires et ouvriers » dont quelques-uns compteront parmi les œuvres magistrales de notre temps. Il suffit de citer Maxime Gorki, Upton Sinclair, Jack London, Panait lsrati, Knut Hwmilen, Johan Bojer, Neel Doff (qui écrivait en français).

Bornons-nous à cette énumération incomplète qui nous éloigne de notre véritable sujet. Il ne s'agit pas ici d'explorer le vaste domaine de l'art né du peuple, mais de préciser les rencontres significatives entre les intellectuels et les ouvriers.

SOCIALISME DES INTELLECTUELS ET SOCIALISME OUVRIER

Si nous passons en effet de la condition ouvrière au mouvement ouvrier, nous sommes obligés de parler du socialisme. Celui-ci - lorsque l'on s'élève au-dessus des conflits de doctrines et des partis-pris politiques - se présente à son origine sous deux aspects à la fois complémentaires et contradictoires.

D'une part, une tendance intellectuelle à opposer un ordre équitable à l'anarchie du système capitaliste, la force publique à la Fatalité du libéralisme économique.

D'autre part, la réaction ouvrière spontanée contre la misère et l'exploitation.

Que les deux lignes soient assez souvent parallèles, quelquefois concourantes, il n'en reste pas moins qu'elles sont nettement distinctes et qu'il s'est produit aux carrefours des tiraillements et des heurts sérieux et graves.

L'utopie de Saint-Simon négligeait le facteur ouvrier, tandis que Robert Owen fondait son socialisme sur de libres associations de producteurs. Si la puissante personnalité de Karl Marx semble se lier au parti ouvrier authentique, sa magistrature intellectuelle condamne aussi bien les hérésies de Proudhon et de Bakounine que les incartades des ouvriers parisiens. Au sein de la commune de Paris, en 1871, la minorité purement ouvrière ne s'unit à la majorité jacobine et blanquiste que sous les balles des Versaillais. A l'aube du bolchevisme, Lénine s'exprimait en termes méprisants sur la spontanéité des masses et sur le Trade-Unionisme.

Il y a donc toujours ces deux tendances fondamentales : un socialisme conçu hors de la classe ouvrière imposé à celle-ci, comme des plans d'état-major, à une armée comme les ukases d'un état autoritaire à un peuple d'exécutants. D'autre part, un socialisme qui n'est que l'expression d'un mouvement ouvrier libre.

C'est bien cette seconde tendance poussée jusqu'à ses conclusions logiques et ses paroxysmes passionnés qui s'exprime dans le syndicalisme révolutionnaire français dominant la C. G. T. de 1902 à 1914.

Les intellectuels n'y exercèrent aucune influence. Mais le mouvement inspira la philosophie de Georges Sorel, dont l'œuvre maîtresse : Les Réflexions sur la Violence se présente non comme un exposé de principes, mais comme l'interprétation d'expériences vivantes.

Sorel reprenait l'idée de Bergson sur l'homme « ouvrier avant d'être savant ». Il saluait en Ia guerre des classes l'enfantement d'une morale nouvelle, de « mythes » efficaces.

Il se refusait avec Proudhon à admettre des différences qualitatives dans le travail humain. Il rejetait même comme improductive toute activité purement intellectuelle : « Toute occupation qui n'est pas dépendante du processus de la production, qui n'est ni du travail manuel, ni un auxiliaire indispensable du travail manuel ou qui n'est pas lié à celui-ci par quelque lien technologique, ne se traduisant par aucun temps socialement nécessaire, ne pourrait être regardée, en régime socialiste, que comme un luxe qui n'a droit à aucune rémunération ».

N'ayant aucune responsabilité dans les origines et le développement du mouvement ouvrier, n'ayant droit à aucune situation privilégiée dans la cité née de la Révolution ouvrière, les intellectuels ne peuvent ni diriger, ni même influencer les organisations ouvrières. Il leur revient une double tâche : pourchasser les idéologies bourgeoises au sein de la classe ouvrière, se mettre au service des syndicats ouvriers.

Une telle intransigeance heurte sans nul doute, ceux qui en toute bonne foi, rêvent de mêler ouvriers et intellectuels.

Cependant, si le syndicalisme révolutionnaire français se réduit aujourd'hui à quelques groupes sporadiques isolés et suspects - les syndicats américains, dont on connaît (et déplore parfois) là faiblesse idéologique et qui ne se veulent pas révolutionnaires, ont appliqué empiriquement une thèse aussi nettement ouvriériste. Chez eux, les intellectuels ne sont admis qu'au titre de modestes auxiliaires, absents des directions, voués à des besognes pratiques et subalternes.

DES UNIVERSITES POPULAIRES AU SYNDICALISME UNIVERSITAIRE

Mais nous avons parlé du tournant décisif de l'Affaire Dreyfus. Nous avons noté que le syndicalisme révolutionnaire qui l'avait précédée, prit son essor lors de sa conclusion.

On ne peut négliger cependant deux expériences, qui nées à la même époque, issues peut-être des mêmes causes profondes, occupent une place assez importante dans l'histoire des rapports entre intellectuels et ouvriers : les Universités populaires et le syndicalisme universitaire.

Sur la première nous voudrions citer intégralement le témoignage du Professeur Ruyssen, professeur honoraire de l'Université de Bordeaux, membre de l'Institut, qui fut - si nos souvenirs sont exacts - membre du Comité Central de la Ligue des Droits de l'Homme. Contentons-nous d'un résumé insuffisant.

Au lendemain de l'Affaire Dreyfus, les intellectuels et les universitaires qui avaient combattu pour la justice, aux côtés de nombreux représentants ouvriers, éprouvèrent le besoin d'un rapprochement direct, personnel, avec la classe ouvrière.

C'est ainsi que furent fondées les Universités Populaires à Paris et dans quelques grandes villes. Celle du Faubourg St-Antoine fut célèbre, grâce à la participation d'éminentes personnalités comme Ferdinand Buisson, Aulard, Gabriel Séailles, Anatole France. Le professeur Ruyssen en avait fondé une, dans une quartier ouvrier de Bordeaux, où des soirées dramatiques alternaient avec des causeries scientifiques et littéraires. Si, au début, le public fut en majorité ouvrier, il se produisit ensuite une sorte de glissement. Les éléments ouvriers furent remplacés par des petits bourgeois, des petits fonctionnaires qui « trouvaient agréable de passer une soirée bien au chaud en entendant la conférence d'un grand maître sur l'astronomie ou la philosophie, une comédie ou de la musique. »

Expérience nettement décevante.

L'autre au contraire, celle du syndicalisme universitaire, s'est révélée beaucoup plus efficace et fructueuse.

En 1905, un groupe de jeunes instituteurs, en majorité socialistes et libertaires, lançaient un manifeste dans lequel, ils proclamaient leur volonté de rejoindre les travailleurs syndiqués dans les Bourses du Travail. Ils entendaient ainsi lutter contre l'arbitraire administratif et politique, parachever l'œuvre laique qui avait marqué l'une des grandes batailles décisives de la Troisième République. Les uns se réclamaient simplement de la démocratie socialisante que l'Affaire Dreyfus avait portée au Pouvoir. Les autres, nourris de Proudhon, riches de l'héritage de la Première Internationale, trouvèrent dans le syndicalisme révolutionnaire de la C. G. T. leurs plus solides espoirs d'émancipation de la classe ouvrière, de libération de l'Enseignement encore soumis aux doctrines officielles.

On leur refusait l'exercice du droit syndical. Mais cette courageuse minorité se plaçant délibérément en marge de la légalité, se groupa dans des syndicats et une Fédération de l'Enseignement, régulièrement adhérente à la C. G. T. jusqu'en 1921.

C'étaient des syndicalistes convaincus qui animaient et dirigeaient la puissante Fédération des Amicales d'où sortit au lendemain de l'avant-dernière guerre le Syndicat National des Instituteurs. La scission confédérale de 1921 laissa la vieille Fédération dans la C.G.T. unitaire, fondée par des anarchistes, des syndicalistes révolutionnaires et des communistes - tandis que le jeune syndicat national s'installait dans la C.G.T. dite réformiste.

Lorsqu'en 1936 l'Unité confédérale fut rétablie, le syndicat national, fort de 100.000 membres, partageait avec la Centrale des Instituteurs beIges, l'honneur d'être une organisation de masse de l'enseignement, adhérente à une confédération ouvrière. Ses militants et quelques professeurs syndicalistes participaient à la vie des Unions départementales et locales de syndicats ouvriers et figuraient souvent dans les bureaux de celles-ci.

Or, cette expérience eut aussi son théoricien. Un jeune professeur qui s'imposait par ses grandes qualités littéraires et surtout par sa haute valeur morale, Albert Thierry (tué au front en 1915) publia dans la petite revue syndicaliste « La Vie Ouvrière », en 1912, une suite de « Réflexions sur l'éducation » que l'on a rééditées en 1925. Il y présentait un plan complet de transformation syndicaliste de l'enseignement. Mais il y proposait aussi une morale syndicaliste que l'on a résumée, dans la formuie célèbre du refus de parvenîr. La fidélité à sa classe sociale, le mépris des avantages que la bourgeoisie offre aux transfuges, à ceux dont le sang nouveau doit revigorer son propre sang, caractérisaient pour Thierry le militant syndicaliste dont les sacrifices individuels actuels justifiaient les ambitions sociales futures.

Albert Thierry, apprécié par l'originalité de ses propos sur l'Education, hissait à la hauteur d'une philosophie les sentiments spontanés de la plupart des pionniers du syndicalisme universitaire. L'un d'entre eux ne s'écriait-il pas lors d'un débat d'ordre corporatif que l'on avait tort de réclamer un traitement trop élevé dont l'attribution transformerait les instituteurs en bourgeois.

Volonté de classe, résistance à l'arbitraire, opposition à l'Etat centralisé, ambition révolutionnaire - c'étaient là les caractères dominants du syndicalisme des plus humbles fils de l' « Alma mater », de la vielle Université française.

TENDANCES ACTUELLES DES INTELLECTUELS FRANÇAIS

Sans doute, n'existe-t-il pas de relation directe de cause à effet entre la connaissance du monde ouvrier et la participation au mouvement ouvrier. Mais le caractère et la valeur de cette participation dépendent évidemment du degré de connaissance.

Reportons-nous, à nouveau, aux indications fournies sur les étudiants français. Il est vrai qu'il ne s'agit que d'une base de départ. Les exigences de la vie matérielle, les intérêts professionnels, le conformisme social, les crises individuelles ou sociales atténueront la vigueur des couleurs et même annihileront les inclinations désintéressées. Mais la personnalité s'affirme nettement dès la première prise de conscience - et collectivement la jeunesse d'aujourd'hui présente sous une lumière crue, les dominantes de Ia société contemporaine.

Ecoutons donc Jean Kosek, des « Jeunes Amis de la Liberté », nous présenter quel!ques portraits types choisis dans la jeunesse intellectuelle.

Voici l'étudiant bourgeois qui adhère sans effort, ni gêne, aux cadres établis et qui juge la classe ouvrière à travers l'ignorance et les préjugés de sa caste.

Voici l'étudiant « futur cadre », qui se distingue du premier par la conscience de sa mission de « chef » et sa volonté, de conquérir la réalité du pouvoir. Il incline à l'égard des ouvriers vers une sorte de paternalisme (plus ou moins sévère ou bienveillant) qui a surtout à ses yeux l'avantage de renforcer son prestige.

Voici l'étudiant fasciste ou communiste (car l'étiquette ici est négligeable). Les ouvriers se présentent à lui comme le moyen fondamental d'une « machine » dont il a le secret. La masse ouvrière doit être utilisée, après avoir été préparée, par ceux que leur adhésion consciente à une « théorie » révolutionnaire désigne comme des chefs.

Voici, enfin, 1'étudiant révolté et rèvolutionnaire qui, sans doute, s'oppose d'instinct à tous les conformismes, mais qui reste prisonnier de son individualisme anarchiste.

Ces portraits typiques ne permettent évidemment pas une classification rigoureuse. Ils sont d'une vérité qui dépasse les individus. Peut-être rencontre-t-on des étudiants « moyens » qui empruntent aux trois premiers types… même exceptionnellement au quatrième. L'étudiant conformiste peut acquérir la bonne conscience du futur chef et même rêver d'une place dans la hiérarchie pyramidale d'un Etat totalitaire.

Sans doute, les variétés d'intellectuels sont~elles plus nombreuses. Le professeur Apéry de la Faculté des Sciences de Caen dessinait en termes pittoresques la figure de l'intellectuel « progressiste » qui croît en « la mission historique » de la classe ouvrière, comme les chrétiens croient en la présence réelle du Christ dans l'Eucharistie - c'est-à-dire que leur adoration mystique tient de leur ignorance. Aussi, avec M. Jean Paul Sartre (volontairement aveugle) s'engagent-ils derrière le Parti Communiste « qui crie tellement fort qu'il est le parti de la classe ouvrière que les gens finissent par le croire ».

Engagement gratuit, dans la majorité des cas qui n'implique aucun renoncement, aucun sacrifice - à peine quelques signatures - qui même, dans nos pays démocratiques, ne comporte aucun risque sérieux. .

Dissipons une regrettable confusion. Il n'y a rien, absolument rien de commun, sinon le vocabulaire entre l'adhésion au communisme de jeunes intellectuels, au lendemain de la Révolution russe, et cette attitude il la fois conformiste et purement spectaculaire des intellectuels progressistes.

Car il n'est pas permis de les croire ignorants de la réalité russe - à moins de leur accorder, à eux aussi, le bénéfice d'un aveuglement volontaire. Ce ne serait pas une circonstance atténuante. Il y a plus de trente ans, jeunes instituteurs ou professeurs, nous avions adhéré à la cause de la Révolution russe, avec une passion d'autant plus désintéressée qu'elle nous attachait à un prolétariat en guenilles, aux poings nus et non à un Etat puissant, capable de terrifier ceux qu'il ne peut corrompre. Mais nous courions fébrilement aux nouvelles. Pour éclairer les ouvriers et pour justifier devant les bourgeois des vérités dont certaines nous paraissaient déjà lourdes à supporter. Nous pouvions nous tromper et tromper les autres. Ce n'était jamais par maligne intention. Que nous engagions notre propagande sur le ton du réquisitoire ou de l'apologie, nous voulions rejeter le mal sur le passé et orienter l'avenir vers le bien possible. Il ne me souvient pas d'avoir entendu parmi nous l'odieuse formule : la fin justifie les moyens. C'était au contraire dans le commencement que l'on trouvait la justification de la brutalité, même de la barbarie des moyens, dans les débuts tragiques d'une Révolution née de la guerre, de la décomposition d'une aristocratie pourrie, de la ruine d'une industrie créée par des capitalistes étrangers au sein d'une société encore médiévale. Avec Lénine et Trotsky, nous classions dans l'héritage du régime violemment abattu : la terreur, les artifices du communisme de guerre, l'inégalité des salaires, les complaisances à l'égard des survivants de la caste militaire ou de la technocratie. Or, trente-six ans après la prise du Pouvoir par les bolcheviks, non seulement le mal persiste, mais il s'est aggravé - pire… il s'impose comme les syndromes du… « socialisme » (!?). La Terreur a exterminé les communistes des premiers jours et de la première génération de l'ère stalinienne. Les artifices des plans et de la collectivisation agricole ont été imposés par le gouvernement comme conditions de son existence. L'échelle des salaires dépasse en hauteur celle des pays les plus réactionnaires et ne cesse pas de s'élever. Associées ou rivales, de nouvelles castes se fondent sur des privilèges héréditaires.

Rendons justice aux intellectuels progressistes dont nous avons pu surprendre l'intimité. Ils ne sont pas troublés. Tels un personnage d'Ibsen, ils croient en la nécessité du « mensonge vital ». La réalité russe ne leur échappe pas. Elle les confirme en leurs certitudes. En Russie, on construit le socialisme, comme Hitler construisait l'Europe, comme les pharaons construisaient les pyramides… Qu'importent de vagues humanités… D'aucuns éprouvent quelques scrupules, qui s'apaisent par les preuves de l'amélioration… « relative » du sort du peuple russe. Dans la gamelle des camps de concentration, six haricots au lieu de trois représentaient 100 % d'augmentation de la valeur alimentaire du repas. Lyrisme des courbes et des pourcentages ! Pas mal se rassurent, comme les collaborationnistes naïfs de 1940. Le national-sociallisme tiendra compte des traditions françaises. Le communisme s'adaptera à notre génie national. L'Allemand ne marche que sous la schlague. Le Russe ne travaille que sous le knout : c'est parce qu'il méprise le peuple russe que tel grand intellectuel admirait Staline !

ELEMENTS DE L'INTELLIGENCE FRANÇAISE

Que l'on ne crie pas au paradoxe ! Le professeur qui juge « impensable » qu'un régime totaiitaire normal en Russie ou en Allemagne puisse être imposé à l'élite française - le technicien qui subit la séduction de la dictature politique capable de soustraire les techniques au contrôle de la démocratie… appartiennent à la même famille que l'intellectuel français adapté à un ordre social qui assure la permanence de ses privilèges. Ils peuvent même y retrouver le haut ou le moyen fonctionnaire (le petit aussi quelquefois) qui entend sauvegarder la dignité de la fonction publique et qui n'est pas loin de penser que le régime de l'Etat est moins important que la permanence des institutions.

Nous avons là tous les éléments d'une classe nouvelle. Sans doute, dans nos pays occidentaux ne s'installera-t-elle pas sur les ruines du féodalisme, ne profitera-t-elle pas de la vacance du pouvoir économique et politique. En période de capitalisme ascendant, elle se dissocierait avant d'avoir pris conscience de son existence ; et le choix s'imposerait plus impérieusement que jamais entre les deux grandes forces antagonistes au développement parallèle : la haute bourgeoisie industrielle et financière et le prolétariat. Malheureusement, les maîtres de l'heure songent plutôt en France tout au moins - à conserver les situations acquises, qu'à s'engager dans la compétition mondiale. La décadence capitaliste, l'étatisme, le nationalisme sont beaucoup plus liés qu'on ne le pense. Cela suppose un corps de fonctionnaires, de techniciens unis sous une direction homogène. Nous n'entendons pas débattre ici du planisme si fort là l'honneur en Belgique et en France de 1932 à 1936. Mais il n'est pas contestable que certains organisateurs éminents des différents plans se sont fort bien adaptés au régime de Vichy en France… et n''ont guère « résisté » sous l'occupation nazie. Nous ne les accablons pas. Ils auraient sans doute compté parmi les victimes d'une « synchronisation » parfaite des institutions allemandes, françaises et belges. Ce qui ne nous paraît pas non plus contestable : c'est l'opposition foncière entre un Etat bureaucratique ou technocratique et le syndicalisme ouvrier de toutes tendances. Ce problème de la formation d'une véritable classe d'intellectuels ne peut donc être écarté lorsqu'on examine les rapports entre ouvriers et intellectuels.

LIBERTE DU MOUVEMENT OUVRIER

On veut bien observer, à notre intention, que la question ne se pose pas comme au XIXe siècle, comme en 1914.

Nos courtes promenades rétrospectives n'avaient pas pour objet de chercher dans le passé des solutions actuelles - mais elles nous permettent de tirer quelque enseignement d'expériences vécues et surtout de dégager ce qui fut accidentel et provisoire de ce qui reste constant.

Nous ne prétendons nullement à la sereine impartialité. Nous nous plaçons délibérément sur le terrain de la classe ouvrière, et c'est de ce point de vue que nous observons le présent et envisageons l'avenir. Ce n'est pas seulement par solidarité élémentaire. C'est parce que nous ne voyons pas hors du mouvement ouvrier de forces capables de résister à la Fatalité mécanique et aux machines totalitaires - parce que la résistance civile ou militaire à toute dictature risque d'aboutir, en cas de victoire, à un autre asservissement si l'organisation de classe ne se dégage des cohues encadrées par des phalanges disciplinées. Ce n'est pas une vue de l'esprit. Des exemples recents prouvent que là où le mouvement ouvrier ne dispose plus de son autonomie propre, les libertés fondamentales sont menacées ou détruites.

C'est pourquoi nous avons posé, dès le début de cette étude, les deux termes essentiels. Et nous aboutissons naturellement à cette conclusion que la défense des liertés dépend de l'existence de la classe ouvrière et de l'inexistence d'une classe d'intellectuels.

Que celle-là se transforme, dans sa composition et sa conscience, nous ne pouvons le nier, pas plus que nous ne doutons de la nécessité d'une adaptation de la lutte ouvrière à de nouvelles conditions techniques. Mais transformée, la classe ouvrière demeure, réadaptée la lutte ouvrière persiste. La formation d'une masse de manœuvres spécialisés a sans doute provoqué aux Etats-Unis la création du Congress of Industrial Organisations (C. I. O.) sans que s'affaiblisse la vieille American Federation of Labor (A. F. L.) fondée sur les Unions de métier. Et de concert les deux centrales ont élevé au maximum possible le niveau de vie de leurs adhérents.

Qui donc d'ailleurs pourrait fixer avec certitude la direction des progrès techniques ? Nous sommes dans le domaine de l'imprévisible. Et rien ne prouve que le processus de concentration industrielle se prolonge à l'infini.

Que les nombreux motifs actuels de désarroi, d'inquiétude et de découragement ne faussent point la claire vision des choses. Depuis cinquante ans, à l'Occident, si les minorités sont beaucoup moins convaincues et ardentes, la majorité ouvrière a bénéficié d'incontestables et substancielles améliorations matérielles et d'une croissance « culturelle » dont la lenteur ne doit pas masquer l'importance.

Ce qui nous paraît essentiél c'est d'entretenir ou de réveiller la spontanéité de la classe ouvrière. La vraie liberté n'est pas un bien que l'on peut acquérir par héritage ou par donation. C'est l'œuvre qui suit la conquête. Plus encore dans le domaine de la culture intellectuelle que dans la satisfaction des revendications matérielles.

Le catéchisme est condamnable en soi, même lorsqu'il ne contient que des vérités évidentes ou démontrées. Il faut, disait Albert Thierry, que la classe ouvrière sache résoudre par ses propres moyens les problèmes dont elle a reçu l'énoncé de la bourgeoisie conservatrice et les solutions de la bourgeoisie révolutionnaire.

Au reste, l'histoire ouvrière contient des exemples - malheureusement peu connus - de découvertes, d'inventions, d'initiatives qui ne doivent rien aux interventions d'intellectuels. Le métier à tisser et l'hélice figurent dans ce palmarès.

On ne sait pas que des projets d'enseignement populaire furent conçus et Té'digés au sein des associations ouvrières, alors que les législateurs les plus 'démocrates n'y pensaient que confusément.

On a oublié que le fameux système Taylor fut condamné par les militants ouvriers avant que des savants aient compris la nocivité d'un système qui supprimait, comme inutiles dans la production, des mouvements utiles à l'équilibre musculaire et nerveux du corps humain.

On ne sait pas que des militants ouvriers avaient découvert la nocivité des rythmes du travail « rationalisé », et quotidiennement ininterrompu avant que de grands médecins aient constaté la discordance entre ces cadences et les rythmes biologiques.

On ne veut pas reconnaître que la Première Internationale naquit non de l'application d'une doctrine mais de l'initiative d'ouvriers parisiens et londoniens…

Nous ne tirons pas de ces rappels cités seulement à titre d'exemples une conclusion méprisante pour les intellectuels. Nous ne contestons pas la nécessité de leurs démarches propres. Mais s'ils sont sincèrement attachés à la classe ouvrière, ils s'efforceront préalablement de la guérir de son complexe d'infériorité.

L'ADHESION AU MOUVEMENT OUVRIER

On s'étonne des difficultés éprouvées par les intellectuels pour gagner la confiance des ouvriers. On se tourmente pour découvrir le moyen de dissiper d'injustes préventions. C'est peut-être que l'on se garde bien de gestes simples à concevoir mais qui 'exigent de véritables renoncements.

Il y a en France une question des « cadres » qui pèse quelque peu sur toutes les délibérations syndicales. Il y a cette fameuse histoire de l'échelle des salaires et traitements.

Il n'est pas dans notre intention d'en examiner ici l'aspect purement corporatif. Mais il est une notion d'ordre moral sur laquelle on n'insiste guère.

C'est que le coefficient qui multiplie le salaire minimum par un indice consacre définitivement une inégalité sociale contraire au progrès humain.

Que la qualification professionnelle mérite d'être sanctionnée - admettons-le mais il est des besoins communs à tous les hommes, dont la satisfaction ne peut dépendre de la place sur l'échelle des professions. Et le progrès social se marque essentiellement par l'accroissement, l'extension, la multiplication de ces besoins. Pour prouver la misère insupportable de certains travailleurs agricoles du Sud-Ouest des Etats-Unis, un militant américain s'exclamait : certains ne possèdent même pas d'appareil à douches. C'était pour lui le mépris d'un besoin essentiel.

Que son indignation paraisse quelque peu humiliante aux travailleurs européens. Que ceux-ci en éprouvent une honte accrue, en imaginant la situation des Nord-Africains perdus dans les asiles de la banlieue parisienne ou des cités Iorraines. Ce n'est après tout qu'un facteur d'émulation !

Mais les intellectuels et les techniciens sont-ils sincèrement convaincus que l'installation de l'appareil à douches, aujour-d'hui, demain l'achat de l'appareil de télévision et la constitution d'une bibliothèque modifient le calcul du budget familial « incompressible ».

On condamne le nivellement par le bas.

On a raison. Le mouvement doit tendre à l'élévation constante du bas vers le haut. Un intellectuel syndicaliste ou simplement démocrate en est facilement convaincu. Mais il se gardera bien de condamner le système par lequel toute augmentation du salaire minimum détermine une augmentation proportionnelle de tout traitement cœfficienté - c'est-à-dire qu'il y a toujours en fin de compte majoration des différences, non pas confirmation simple mais renforcement de l'inégalité.

L'exemple du syndicalisme universitaire inspire une autre observation. C'est que pour les intellectuels et les techniciens, le véritable syndicalisme n'est jamais exclusivement corporatif, qu'il suppose un choix délibéré, une affirm·ation de classe, donc un acte volontaire. L'histoire prouve que l'on ne maintient pas facilement l'unité corporative, lorsque la volonté individuelle intervient. C'est un risque qu'ont accepté les fondateurs de la Fédération de l'Enseignement et du Syndicat National des Instituteurs, avant et après la guerre de 1914-1918. Et les techniciens qui ont rompu avec la Fédération des Cadres pour s'organiser au sein d'une centrale ouvrière n'ont jamais espéré le ralliement de la majorité de leurs collègues.

Or, il n'est pas de moyen plus efficace pour briser toute tentative de formation d'une classe d'intellectuels.

Quels que soient les idées et les espoirs des militants responsables, l'autonomie syndicale des Enseignants, des Techniciens, des Fonctionnaires implique que l'on s'installe dans des institutions indépendantes des classes sociales. Des marxistes ont sans doute raison de contester cette indépendance. Il n'est pas niable cependant que l'Etat peut - au moins provisoirement - imposer son arbitrage aux partis en présence, d'autant p1us aisément qu'il exerce actuellement une influence directe sur l'économie. Doit-on s'en féliciter ou le déplorer ? C'est une autre affaire. Mais les expérienees récentes prouvent que la classe ouvrière doit garder son indépendance organique et morale, quelles que, soient les tendances de l'Etat. On serait, tenté d'ajouter, surtout si l'Etat se révèle « social ». Car l'Etat, par sa nature même et par définition, est essentiellement conservateur. C'est peut-être une garantie, lorsque le « nouveau » se présente sous l'aspect d'un Sauveur populaire et providentiel. Mais cette sécurité révèle la faiblesse de l'agent le plus efficace du progrès social, c'est~à-dire le mouvement ouvrier.

Or, la constitution de « cadres » solidement liés entre eux et solidement attachés à l'Etat renforce les tendances conservatrices de celui-ci. Que ce soit le mandarinat, par la primauté de l'Université - le bureaucratisme par les exigences du corps des fonctionnaires - la technocratie, par les prétentions des techniciens - il s'agit toujours d'établir des ordres privilégiés. Ce qui paralyse un Etat démocratique… et peut aussi servir les desseins d'un futur dictateur et construire la pyramide au sommet de laquelle il se placera.

Universitaires, fonctionnaires, techniciens rejoindront donc le mouvement ouvrier, s'ils veulent sincèrement servir le progrès social.

QUE L'INTELLECTUEL DESCENDE DE SON ESTRADE 1

Mais l'adhésion de syndicats nationaux, de Fédérations nationales à une centrale ouvrière ne résout, qu'une partie du problème. Elle ne suffit pas pour réaliser des contacts humains entre intellectuels et ouvriers.

Là encore, l'expérience éclaire la solution possible. L'échec des Universités populaires n'a pas d'autre cause que la barrière élevée entre les acteurs et le public. Il faut que l'intellectuel descende de son estrade.

L'originalité de l'organisation syndicale française réside en sa double base : les Fédérations nationales d'industrie et les Unions départementales de syndicats, elles mêmes divisées en Unions locales. Il y a donc toujours possibilité de rencontres entre militants de toutes les corporations. L'intellectuel qui fréquente les permanences locales ne sent plus au bout de quelques conversations cette réserve qui paralyse les contacts. Surtout s'il ne cherche pas à se distinguer, s'il propose spontanément sa personne et s'il attend qu'on en appelle à sa science.

C'est évidemment dans les centres d'Education Ouvrière, dans les collèges du travail - la Belgique est plus riche que nous en ce domaine - que l'intellectuel se révèle le plus utile. Là encore, il ne viendra pas pour professer « ex-cathédra » mais pour jouer le rôle d'associé à une œuvre aussi peu « scolaire » que possible.

Aucune répugnance n'est admissible. Si on ne peut exclure les cours théoriques, la formation pratique du militant, du travailleur doit y tenir une place importante. Et là plus encore qu'en nos classes, l'éducation intellectuelle dépend de la manière d'enseigner, plus que de la matière enseignée.

Les ouvriers se ferment à qui veut les « découvrir », comme des sujets d'études. C'est par la sympathie confiante qu'on atteint les plus réservés, souvent les plus dignes d'entre eux. Rien ne transpire d'eux~mêmes, en ces déclarations et cette terminologie doctrinale qui appartiennent au langage ordinaire des réunions publiques ou des assemblées officielles. Or, c'est par eux-mêmes et pour eux-mêmes que leur émancipation se réalise. S'il est absurde de voir les ouvriers à travers le mythe stalinien, ou l'imagerie « édifiante » des bonnes œuvres, il est dangereux de les entrevoir à travers rnos propres ambitions révolutionnaires, si désintéressées qu'elles soient. Ce n'est pas la classe ouvrière qui est faite pour notre révolution. C'est notre Révolution (si la nécessité s'en impose) qui doit être faite pour la classe ouvrière, et surtout être voulue et accomplie par la classe ouvrière.

Oserons-nous ajouter que la morale du « refus de parvenir » ne nous paraît pas aussi irréelle et inhumaine qu'on veut bien le dire ? L'organisation, l'action, la conviction ne suffisait. pas. Il faut que des individus portent témoignage, par leur renoncement aux « flatteuses voluptés » d'aujourd'hui, de la nécessité d'une révision totale des valeurs, que des militants apparaissent comme des intrus dans le monde moderne, porteurs de cette « autre volonté » qu'exaltait Emile Verhaeren dans un de ses plus beaux poèmes.

Dans un congrès confédéral, Pierre Monatte [17] rappelait la phrase de Renan sur les causes de la trahison de Judas : « en lui l'administrateur avait tué l'apôtre».

Les ouvriers au sein de leurs organisations, acceptent l'administrateur, applaudissent le tribun, quelquefois se soumettent au César. Ils aimeraient et suivraient l'apôtre. Seulement, l’apostolat ne dépend ni de la science, ni de la technique, ni de la culture intellectuelle. Pour conquérir les hommes, il faut donner infiniment plus que ce que l'on reçoit.

Roger HAGNAUER.


[1] Le compte rendu sténo graphique de ces journées a été publié. On peut l'obtenir en s'adressant au siège des « Amis de la Liberté », 13 bis, rue de Poissy, Paris (5e). La plupart des opinions que nous avons relevées ont été exprimées au cours ces journées d'études.

[2] Revue syndicaliste-révolutionnaire, 14. rue de Tracy. Paris (2e).

[3] Ce sont là particulièrement Walt Whitman et William Fauklner des écrivains amércains d'une réputation mondiale.

[4] Provoquée par la condamnation injuste d'un capitaine juif, cette affaire provoqua en France une agitation à laquelle aucun Français ne demeura étranger. Les hommes les plus éminents de la science, de la littérature, de la politique prirent parti et tous furent "marqués" définitivement par leur position en cette affaire.

[5] Le 6 février 1934, des bandes fascistes montèrent à l'assaut du Palais Bourbon. Le 12 février, la C.G.T. répliquait par la grève générale.

[6] Prix Nobel de la Littérature en 1938, Roger Martin du Gard a consacré son œuvre à la tourmente née de l'Affaire Dreyfus. Il a écrit avant la guerre de 1939 un roman-fleuve : « Les Thibault » que l'on peut mettre à la même place que le « Jean-Christophe » de Romain Rolland.

[7] Extrait d'un discours prononcé devant le congrès socialiste par Hubert Lagardelle, publlciste socialiste et syndicaliste dont la fin tut lamentable. Après s'être compromis avec Mussolini, il accepta en 1912 d'être ministre de Pétain.

[8][9] [10] [11] On trouvera la plupart de ces noms dans l'excellente biographie publiée par « Éducation et Socialisme » de novembre-décembre 1953. Nous recommandons la lecture du livre de Michel Ragon sur la "Littérature ouvrière".

[12] [13] C'est au vieux compagnonnage qu'ils consacrèrent leurs œuvres. Il est bon de signaler la richesse de la production littéraire purement ouvrière de 1830 à 1848.

[14] Ecrivain communiste d'origine ouvrière.

[15] Henri Poulaille a écrit avec « Le Pain Quotidien », « Les Damnés de la Terre », « Pain de Soldat », Une remarquable histoire romancée de la classe ouvrière parisienne. Depuis la guerre,' il s'est consacré à l'étude des Noëls populaires.

[16] Marcel Martinet : poète et écrivain pacifiste et révolutionnaire, qui fut de 1920 â 1922, directeur littéraire de « L'Humanité ». Il abandonna le parti communiste en 1923, en même temps que le groupe de la « Révolution prolétarienne ».

[17] Vieux militant syndicaliste-révolutionnaire qui a participé aux premières luttes de la C.G.T., Fondateur de la « Vie Ouvrière » en 1911, de la « Révolution prolétarienne » en 1925 (Cette dernière reparaît depuis 1947 toujours avec la collaboration de Monatte).

[*] en savoir plus sur :

- la Centrale d'éducation socialiste, crée en 1911 à Bruxelles, devenu le PAC, Présence et Action Culturelle, qui a édité la revue « Éducation et Socialisme »,

- sur Robert Louzon (biographie rédigée par Colette Chambelland).

- sur la Révolution prolétarienne (textes publiés dans la R.P.) sur le site de

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