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Victor Gambau 

Premier économe de la Maison

…Que de vies sauvées là, que d'espoirs retrouvés. Ils sont nombreux ceux qui ne pourront oublier...

20 août 1944 — Aujourd'hui dimanche. La journée s'annonce normale. Esprits un peu tendus. Il est vrai que nous vivons dans l'ignorance des événements.

A part les tuyaux de la « cuisine » qui se contredisent à tout instant, nous ne savons rien. Au repas de midi, petite discussion entre nous. Le « leit-motiv » est toujours le même. L'atmosphère est cordiale, on sent l'angoisse des jours à venir. Pour moi, les enfants, que j'aime tant sont toujours gais, mais l'économe l'est moins, car j'appréhende pour le ravitaillement, Je vais sortir — il est 15 heures. — avec notre directrice, prendre la température... du dehors.

21 août 1944. — Rien à signaler. Si, nous avons tué un cochon, ceci nous permettra de passer la semaine sans trop de restrictions. Je voulais partir à Paris, pour essayer d'avoir des nouvelles, car ici nous ne savons rien. Mais le temps incertain ne m'encourage pas à faire la route à pied. J'attendrai.

22 et 23 août 1944. — Rien de nouveau. J'ai lu l' « Humanité » que j'ai pu me procurer à Sèvres. Il y avait quelques jours que nous étions sans journaux. Sa lecture ne m'apprend rien, on se bat à Paris.

24 août 1944. — Journée calme. A 21 heures, visite à Bertrand. Celui-ci m'annonce que les troupes françaises arrivent par Clamart et par le pont de Billancourt et cantonnent sur la place du Parc. Essayons, avec la Directrice, de les rejoindre.

Impossible de passer, la Résistance nous en empêche. Un des siens harangue la foule qui se masse devant la mairie. La « Marseillaise » retentit. Les cloches de l'église sonnent à toute volée. Le curé de Sèvres est vraiment à sa place.  Je crois que cette nuit il y aura du grabuge,

25 août 1944. — La nuit du 24 au 25 a été dure pour les enfants. Ceux-ci, accompagnés de leurs directrice et monitrices, ont passé de minuit à 4 heures du matin aux abris. Canonnade intense. Ce matin nous n'entendons plus rien.

Vers 10 heures, passage ininterrompu de troupes françaises et américaines. Pavoisement général. Enthousiasme de la foule. Je suis heureux — comme elle — du départ de l'occupant, mais je ne peux partager l'enthousiasme de cette foule devenue nationaliste cent pour cent. Mes sentiments ne peuvent pas être les mêmes, je ne peux renier mon passé.

 2 septembre 1944. — Aujourd'hui, départ définitif de notre infirmière (Hermine) et de Coco.

22 septembre. — Du 3 août au 21 septembre, rien à signaler qui mérite d'être retenu.

Aujourd'hui, par contre, arrivée de notre cher Roger. Celui-ci parti — et pour cause — il y a quinze mois, nous est revenu. Après l'accolade traditionnelle je le détaille un peu. Il a maigri, je lui attribue 10 kilos de moins. Mais je le retrouve toujours le même, gai et toujours railleur. La Maison va connaître à nouveau le beau temps de jadis. Le soir, nous lui avons fait une petite réception. Les gosses, avant le dîner, lui ont chanté quelques airs qu'il aimait bien. Il les a remerciés et nous sentions, nous, qu'il était très ému et combien, pendant son absence, il était toujours avec nous.

Victor Gambau

* * *

Notes de Pedrot, Gambau, Marmotte, Odier-Delfuss, :
Une brassée de souvenirs 1941 - 1961
Marmotte (radiographe dentaire)
Le Docteur est fou
Victor Gambau, Premier économe de la Maison

Fragments de notes d'Yvonne Hagnauer :
Les cartes d'alimentation…
Les temps difficiles…
L'Aide à la Maison de Sèvres par L'Unitarian Service Comittee of Canada

Lire sur le site sevres-pratique.com :
Une enseignante de la Maison de Sèvres pendant la guerre

Regards de Michel, d'Annie et d'Ancien(ne)s :
La Maison de Sèvres et les cadeaux de son enseignement
Une école pas comme les autres - (1971-1974)
Témoignages d'Anciennes et d'Anciens

Texte d'Hughette, :
Un devoir à rendre - (4 juin 2005)

Texte de Catherine, :
Maman Pé - (2002)

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